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Adaptation cinématographique : la revanche des développeurs de jeux vidéo

Par Laura Pertuy


Lara Croft : Tomb Raider (2001) succès d'un jeu vidéo adapté sur grand écranDes livres aux pièces de théâtre en passant par les parcs à thèmes, Hollywood a l'habitude de transformer des franchises à succès en succès du box office. Mais quand il s'agit de jeux vidéo, l'industrie cinématographique semble rencontrer plus de difficultés.

Des échecs à répétition

Malgré des ventes qui font saliver les producteurs - le jeu vidéo Call of Duty : Black Ops 2 (Activision) a engrangé 1 milliard de dollars en 15 jours en décembre 2012, tandis que Modern Warfare a enregistré un montant total de 400 millions de dollars en un seul jour en 2011 - Lara Croft : Tomb Raider (2001) est la seule adaptation d'un jeu vidéo sur grand écran à avoir franchi la barre des 100 millions de dollars au box office américain avec 131 millions de dollars au total. En effet, même avec le soutien du producteur Jerry Bruckheimer, Prince of Persia: The Sands of Time (budget : 200 millions de dollars) n'a pas réussi à attirer le public, ne rapportant que 91 millions de dollars aux Etats-Unis en 2010 (les chiffres ont été meilleurs à l'étranger). Pendant ce temps, des jeux comme World of Warcraft ou Gears of War attendent d'être portés à l'écran, respectivement depuis 2005 et 2007, tout comme Halo. Microsoft a récupéré les droits d'adaptation de son jeu en 2007, après que Fox et Universal se soient plaints du budget croissant du projet et du droit de regard exigé par l'éditeur du jeu.

Or, les éditeurs de jeux vidéo commencent à se lasser de voir leurs projets coincés au stade du développement, alors même qu'ils essaient de faire coïncider la sortie de ces films avec le lancement d'un nouveau jeu.

D'autre part, même si le faible taux de réussite des films effraie certains éditeurs de jeux vidéo, d'autres essayent de changer la donne en demandant aux studios plus de contrôle créatif sur leurs titres, très lucratifs dans leur domaine. D'ailleurs, Jeremy Bolt, producteur de Resident Evil, l'un des rares succès du genre basé sur le jeu de chez Capcom, explique ainsi la réussite du film : " Lorsque nous avons développé le premier scénario, le réalisateur Paul W.S. Anderson s'est rendu à Tokyo et a passé beaucoup de temps avec les créateurs du jeu. Nous avons écouté leurs commentaires et respecté leurs positions et celles des fans autant que possible. Nous considérons vraiment que c'est une des raisons du succès des films. " Cette série portée par Mila Jovovich a généré cinq films et a approché 1 milliard de recettes au box office mondial.

Une volonté de contrôle accrue de la part des éditeurs de jeux vidéo

Ainsi, après avoir été empêchée d'apporter sa touche créative à l'adaptation de Prince of Persia, l'entreprise française Ubisoft a décidé, il y a deux ans, de lancer sa branche cinéma, Ubisoft Motion Pictures. On y retrouve notamment des professionnels connus de l'industrie du cinéma européen, dont le PDG, Jean-Julien Baronnet, anciennement à la tête d'EuropaCorp, la compagnie de production de Luc Besson. Pour lui, il est important qu'Ubisoft ait un rôle plus actif dans les films de sorte à y préserver l'ADN des jeux, leurs " piliers fondamentaux ".

Cette demande d'un contrôle accru de la part d'Ubisoft a rebuté certaines majors, comme Paramount et Sony, quand la société cherchait un producteur pour adapter au cinéma ses jeux Assassin's Creed, son titre le plus vendu (40 millions d'unités), et Tom Clancy: Splinter Cell (26 millions d'unités). " Les films basés sur des jeux vidéo ont rencontré du succès, mais il est minime au vu de la popularité du jeu vidéo original ", analyse l'avocat Matt Galsor, qui représente Ubisoft et a négocié les accords de l'entreprise avec New Regency, producteur finalement choisi pour Assassin's Creed et Tom Clancy: Splinter Cell. " La question est de savoir comment procéder pour que les joueurs aiment le film de la même façon qu'ils aiment le jeu. Ubisoft a bien compris cette nécessité, d'où le lancement d'une vraie collaboration avec les producteurs des films ". Il ajoute que " Les développeurs de jeux vidéo savent ce que les fans veulent. Si on pouvait préserver ce facteur tout en le combinant avec le savoir-faire des studios en matière de réalisation, alors les fans du jeu iraient en salles ".

Ubisoft prévoit ainsi de développer ses jeux les plus connus et de les associer à des acteurs de premier plan avant de les présenter aux studios. Par exemple, la société a récemment choisi l'acteur Michael Fassbender comme personnage principal et producteur de Assassin's Creed et Tom Hardy pour Splinter Cell. La société recherche désormais des réalisateurs pour ces deux projets, avec l'espoir qu'Assassin's Creed sorte en salles avant la fin de l'année.

La collaboration, un ingrédient indispensable du succès

En fin de compte, si Hollywood veut maîtriser le potentiel encore inexploité de la communauté du jeu vidéo, il lui faut intégrer les créateurs de jeux vidéo. Par exemple, le géant du jeu vidéo basé à Los Angeles, Electronic Arts, a développé un scénario basé sur le fameux Need for Speed avec les auteurs George et John Gatins (Flight) avant de le présenter aux studios l'an dernier. Depuis que DreamWorks a acheté le projet et mis le film en production avec la star Aaron Paul (Breaking Bad), Patrick O'Brien, Vice Président d'Electronic Arts, a été impliqué dans toutes les prises de décision importantes.

Une collaboration entre Hollywood et les éditeurs de jeux vidéo reste donc encore possible. Cette visée implique l'embauche de scénaristes qui jouent aux jeux vidéo et passent de 10 à 30 heures à les finir. " Le défi pour un écrivain qui adapte un jeu sur grand écran est de caser le tout en deux heures, explique Martin Rae de l'Academy of Interactive Arts and Sciences. Cela revient à trouver ce qui marche dans le jeu, ce qui parle aux joueurs, et à être capable d'infuser cette même impression dans le film. Dans le cas d'un jeu comme Angry Birds, dont la popularité réside dans la mécanique de jeu et dans les personnages attachants, il faut que les réalisateurs parviennent à intégrer ces spécificités dans le scénario ".

" Je pense que quand les producteurs, réalisateurs et responsables de studios arrêteront de se dire qu'ils sont en train de faire des " films de jeux vidéo " et qu'ils les traiteront simplement comme un matériau original avec un potentiel créatif riche, de la même façon qu'ils considérent les romans à succès, les bandes dessinées et les " romans graphiques " (graphic novels), alors ils verront arriver ce que beaucoup attendent comme l'âge d'or du jeu vidéo pour le cinéma ", explique Adrian Askarieh, producteur des adaptations au cinéma des jeux HITMAN et Deux Ex.

L'article sur Mediamerica : http://mediamerica.org/cinema/adaptation-cinematographique-la-revanche-des-developpeurs-de-jeux-video/

Notes et références

Why Video Game Companies Are Taking More Control Over Their Movies, de Tatiana Siegel, The Hollywood Reporter, 11 janvier 2013 - www.hollywoodreporter.com/news/assassins-creed-call-duty-makers-409688

Hollywood rolls the dice on videogame brands for the bigscreen, de Marc Graser, Variety, 7 février 2013 - http://variety.com/2013/digital/news/hollywood-rolls-the-dice-on-videogame-brands-for-the-bigscreen-1118065699/

Publié le 21 mars 2013 par Emmanuel Forsans
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