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Les limites à l'utilisation des données personnelles

L'Observatoire européen de l'audiovisuel vient de publier un nouveau rapport IRIS plus


Rédigé par Alexander Scheuer et Sebastian Schweda de l'EMR, à Sarrebruck, l'article de fond de ce nouveau dossier examine la teneur des dispositions européennes actuelles en matière de protection des données - la directive 95/46/CE - qui régit actuellement ces questions. Les auteurs soulignent que cette directive prévoit des dérogations à l'application de ces règles pour les activités exercées aux fins de journalisme ou d'expression artistique, mais "dans la seule mesure où elles s'avèrent nécessaires pour concilier le droit à la vie privée avec les règles régissant la liberté d'expression. "

Concernant la conciliation entre les intérêts des médias et ceux des personnes concernées, les auteurs identifient deux niveaux de conflits potentiels. Primo, alors que les journalistes bénéficient toujours d'un " droit d'investigation étendu", la nature réelle de leurs recherches journalistiques ne doit pas dépasser certaines limites légales bien définies. Toutefois, les " données dont la collecte n'est pas autorisée ne peuvent être publiées que dans des cas exceptionnels, nonobstant la liberté d'expression. " Deuxio, une autre phase critique intervient au moment où l'information est mise à la disposition du public, et que les personnes concernées peuvent être clairement identifiées dans le reportage. Les procès en pénal dont l'issue n'est pas encore fixée, par exemple, constituent une situation où " des déclarations peuvent être condamnables en particulier lorsqu'elles compromettent les chances de la personne concernée d'avoir un procès équitable, " conformément à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.

L'article s'attache ensuite à l'examen de la jurisprudence récente concernant les comptes rendus sur diverses célébrités. Citant l'affaire de Caroline de Hanovre, après la publication de photos à caractère privé de la princesse Caroline, les auteurs rapportent que la CEDH a jugé que la publication des photographies ne contribuaient pas " à un quelconque débat d'intérêt général " et que, partant, il y avait effectivement violation de son droit à la vie privée.

Dans un paragraphe consacré à la publication d'informations obtenues illégalement, Alexander Scheuer et Sebastian Schweda citent le célèbre journaliste allemand d'infiltration Günter Wallraff et l'action intentée contre lui par le groupe d'édition Axel Springer AG. Dans cette affaire, le tribunal a jugé que les informations obtenues illégalement ne pouvaient être publiées en toute impunité que lorsque " l'importance de l'information au regard de la nécessité d'éclairer le public et de contribuer à la formation de l'opinion publique l'emportent clairement sur les inconvénients qu'impliquent la violation du droit pour la personne concernée et l'application (réelle) de la législation. " La Cour précise par ailleurs que ce n'est " généralement pas le cas " lorsque les informations font référence à des situations ou des comportements qui, pour leur part, ne sont pas illégaux.

L'article poursuit par une analyse des médias et de la protection des données des utilisateurs. Les auteurs se concentrent, en particulier, sur les informations que nous fournissons à notre insu à des entreprises privées, tout simplement par notre activité en ligne, les informations que nous y consultons et la manière dont nous réagissons à ces informations. Les auteurs expliquent ce processus comme suit : " L'identification des utilisateurs sur les réseaux où transitent les paquets de données et le suivi de leurs activités sur une période prolongée permettent la création de profils d'utilisateurs et peuvent servir à la publicité comportementale. " A cet égard, le bouton " J'aime ", installé sur des sites comme Facebook et qui permet de traiter les préférences des utilisateurs, présente un intérêt particulier.

En conclusion de cet article, Alexander Scheuer et Sebastian Schweda notent une absence de critères clairs dans " le processus d'évaluation du droit à la protection des données à caractère personnel […] face à la liberté des médias. " Ils attribuent ce phénomène aux différences culturelles entre les pays européens et aux différences d'appréciation de la nécessité de protéger les données, et rappellent que l'Union européenne et le Conseil de l'Europe sont en train de revoir leurs instruments juridiques dans ce domaine.

La rubrique Reportages de cette publication comporte de brefs comptes rendus sur la jurisprudence récente, européenne et nationale, concernant les conflits entre liberté d'expression et protection de la vie privée, ainsi que sur les activités législatives ou réglementaires connexes. La célèbre affaire Mosley c. Royaume-Uni y est abordée. Enfin, la rubrique Zoom de Sebastian Schweda fournit une analyse détaillée de la législation actuelle de l'UE et du Conseil de l'Europe en matière de droits de l'homme du point de vue de l'opposition entre liberté de l'information et droit à la vie privée, et de la manière dont les deux juridictions respectives interprètent ces instruments juridiques fondamentaux.

Une réflexion d'une actualité brûlante sur les conflits actuels entre liberté d'expression des médias et droit de l'individu à la vie privée.

Plus d'informations : www.obs.coe.int/oea_publ/iris/iris_plus/2011-6.html

Publié le 6 décembre 2011 par Emmanuel Forsans
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