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Le Cloud Computing comme solution aux maux du jeu vidéo ?

Synthèse de l'étude Scholè Marketing


Apparu au cours de la dernière décennie, le jeu à la demande (ou Cloud Gaming) permet de jouer à un jeu sans posséder d'équipement dédié. Les calculs nécessaires à l'affichage sont effectués sur les serveurs d'un fournisseur de service (" dans le Cloud ") et les images sont diffusées en streaming jusqu'au terminal de l'utilisateur. Si l'adoption du Cloud Gaming est encore marginale, son essor soulève toutefois de lourdes interrogations quant à l'évolution du marché du jeu vidéo.

Le jeu vidéo est parmi les applications informatiques les plus exigeantes, nécessitant des machines toujours plus puissantes . Dès lors, les services de Cloud Gaming peuvent-ils traiter et afficher les jeux avec un niveau de qualité équivalent à celui des machines dédiées ? La vitesse de transmission des images par internet est-elle suffisante pour permettre une bonne expérience de jeu et un développement à grande échelle ? Ou bien l'état des réseaux cantonnera-il le Cloud Gaming aux seuls internautes équipés d'une connexion ultra-performante ? Au-delà de cet aspect technique, le Cloud Gaming laisse entrevoir un changement radical dans l'économie du jeu vidéo en permettant l'accès à des jeux sur n'importe quel terminal connecté. Le Cloud Gaming annonce-t-il la disparition des consoles de jeu ? Ou bien ne sera-t-il qu'un mode d'accès complémentaire aux machines dédiées ? Par ailleurs, le marché de la production de jeux vidéo devient de plus en plus risqué : les éditeurs tendent à concentrer leurs investissements sur un faible nombre de " blockbusters " qu'ils doivent écouler en quelques semaines. Une situation critique dans laquelle la moindre erreur peut être fatale. Le Cloud Gaming peut-il modifier les conditions de production et de diffusion des jeux ? Annonce-t-il la fin d'un modèle industriel hasardeux qui appelle des investissements croissants ? Ou bien ne constitue-t-il qu'un nouveau mode de distribution sans impact sur les modèles économiques ?

Pour répondre à ces interrogations, il convient en premier lieu de restituer le contexte dans lequel se développe le Cloud Gaming. Nous dresserons ensuite un panorama du marché actuel et présenterons ses perspectives de développement. Enfin nous discuterons de ses impacts probables sur le marché du jeu vidéo dans son ensemble.

Le Cloud Computing comme solution aux maux du jeu vidéo ?

1. Une économie du jeu sous tension

Le secteur du jeu vidéo connaît une situation paradoxale : alors que le marché observe un taux de croissance à deux chiffres, la filière est marquée par des conditions économiques tendues.

En 2013, le marché mondial du jeu vidéo représente près de 69 Mds€, soit une hausse de 18% par rapport à 2012. Un secteur florissant dont les revenus devraient croître au rythme annuel moyen de 12% jusqu'en 2015, soutenus par la progression du jeu sur terminaux nomades, le développement du jeu en ligne (particulièrement sur les marchés asiatiques) et l'arrivée des consoles de salon de 8ème génération (Xbox One, PS4 et Wii-U).

Évolution du marché du jeu vidéo

Figure 1 : Évolution du marché du jeu vidéo
Source : Scholè Marketing, d'après Gartner.

Pourtant, malgré cette tendance très positive, l'industrie du jeu vidéo voit ses acteurs confrontés à des situations hasardeuses. Sur le segment des consoles de jeu, les constructeurs doivent consentir des investissements de plus en plus lourds pour produire des machines toujours plus performantes alors que les prix de ventes stagnent. De sorte qu'ils doivent écouler une partie de leur production à perte et se rattraper sur les ventes de jeux sur lesquels ils touchent une redevance. Chaque sortie de console est un pari technologique et financier qui remet en cause la pérennité même du constructeur. Ainsi, après avoir été l'un des principaux constructeurs de consoles, Sega a-t-il été complètement éjecté du marché suite à l'échec de la Dreamcast en 2001.

L'édition de jeux vidéo est tout aussi risquée. Face à l'inflation des coûts de production, les éditeurs tendent à concentrer leurs investissements sur quelques titres phares dont ils anticipent le succès. Chaque année, plus de 5 000 jeux vidéo sont produits parmi lesquels environ 200 permettent un retour sur investissement, et une vingtaine de réaliser des bénéfices significatifs. Un deuxième facteur de risque réside dans la faible durée du cycle de vie des jeux. Les éditeurs doivent écouler leur production sur une période de quelques semaines, de sorte que le moindre problème de distribution peut avoir des conséquences lourdes. A titre d'exemple, la dernière version du jeu Call of Duty a vu l'essentiel de ses ventes réalisé en moins de deux mois.

Évolution des ventes en volume de Call of Duty Black Ops 2

Figure 2 : Évolution des ventes en volume de Call of Duty Black Ops 2
Source : VGChartz

Une stratégie risquée qui aboutit parfois à des échecs retentissants pouvant conduire certains éditeurs à la faillite. Depuis le début des années 2000, le nombre de faillites ou restructuration d'éditeurs et de studios est en progression : Cryo Interactive en 2002, Acclaim en 2004, THQ en 2012, Atari et Codemasters en 2013, etc.

Nombre de faillites de développeurs / éditeurs de jeux vidéo au cours des années 2000

Figure 3 : Nombre de faillites de développeurs/éditeurs de jeu vidéo au cours des années 2000
Source : Scholè Marketing, d'après SensCritique

L'économie du jeu vidéo se révèle donc très risquée car dépendante du succès d'un faible nombre de produits dont le développement nécessite des investissements massifs. Dans ce contexte, le Cloud Computing permet d'envisager un changement radical de modèle.

2. Les promesses de rupture du Cloud Gaming

Le Cloud Computing constitue une évolution majeure de l'ensemble du secteur des technologies de l'information à deux titres.

Sur le plan technique, il s'agit d'un basculement complet du mode de fonctionnement de l'informatique qui passe de l'exécution d'une application installée localement à l'utilisation de ressources informatiques fournies par un tiers via internet. Le jeu vidéo est hébergé sur les serveurs d'un fournisseur de service qui assure sa bonne exécution et prend en charge ses mises à jour. L'utilisateur se voit totalement déchargé des aspects techniques : pas d'installation, de configuration, de gestion des bugs, etc. L'intérêt majeur est de rendre les jeux disponibles sur tous les terminaux connectés à internet (ordinateur, téléviseur, tablette, smartphone, etc.). Il n'est plus nécessaire de posséder une console puissante et coûteuse pour jouer aux dernières productions. C'est donc l'existence même du marché de la console de jeu et le devenir de ses acteurs que remet en cause l'essor du Cloud Gaming.

Sur le plan économique, le Cloud Computing permet de diminuer les coûts de production et de distribution des applications. Pour les éditeurs, le Cloud Gaming réduit les coûts liés au développement des jeux (il n'est plus nécessaire de développer plusieurs versions d'un même jeu pour les différentes plateformes : PC, Mac, PlayStation, Xbox, etc.) et à leur distribution (suppression des coûts de fabrication et de packaging ; réduction des marges des distributeurs). Ce faisant, les éditeurs ont la possibilité d'améliorer considérablement leur rentabilité. Sur un jeu édité pour console, la marge de l'éditeur atteint 17% du prix de vente contre 52% sur un jeu en ligne.

Décomposition du prix d'un jeu édité sur console et en ligne

Figure 4 : Décomposition du prix d'un jeu édité sur console et en ligne
Source : Scholè Marketing, d'après Jeuxvideo.com

En réduisant les coûts d'exploitation, le Cloud facilite la mise en œuvre d'une longue traine qui voit un fournisseur vendre de très nombreux produits, chacun en faible quantité. Pour les éditeurs, c'est la possibilité de créer une seconde fenêtre d'exploitation des jeux. Car si le marché du jeu vidéo présente des similitudes avec celui du cinéma (coûts de production élevés, phénomènes de blockbusters, etc.), une différence fondamentale les distingue : alors qu'un film bénéficie de plusieurs fenêtres d'exploitation (en salle, en vidéo, à la télévision), la seconde vie d'un jeu vidéo est quasi-inexistante. Le Cloud Gaming, en permettant de distribuer des titres à moindre coût, permet aux éditeurs de continuer à monétiser leur catalogue via un nouveau type d'offre proposant des titres premium à prix réduit.

Simplification et extension de l'accès aux jeux, allègement des contraintes économiques qui pèsent sur les acteurs du jeu vidéo et allongement de la durée d'exploitation des jeux ; le Cloud Gaming apparait donc très prometteur. Où en est-il aujourd'hui ?

Lire la suite : Un marché en démarrage

Notes et références

1. En 1996, la Nintendo 64 disposait de 4 Mo de mémoire (RAM). En 2013, la dernière version de la PlayStation est dotée de 8 Go de mémoire, soit un rapport de 1 à 2048.


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Publié le 20 janvier 2014 par Emmanuel Forsans
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